Les cloches s’en sont allées …
D’ordinaire à Pâques, il est de coutume de dire que les cloches reviennent de Rome en essaimant, ici où là, des chocolats dans nos jardins. Cette a nnée aux Iffs, le jeudi 21 avril, les quatre cloches des Iffs s’en sont allées se refaire une beauté dans les ateliers de Art’Camp à Pommeret, dans les Côtes d’Armor. Elles devraient retrouver leur clocher avant Noël. Souhaitant retracer l’histoire de ces cloches, je vous retranscris un article paru dans Ouest-France en septembre 1958 à l’occasion du baptême des quatre cloches aux Iffs.« Julienne Désirée », « Florence Désirée », « Jeanne Thérèse » et « Bernadette Hélène » rejoindront dans le joli clocher des Iffs, la vieille et solitaire Marguerite.
Les petites clochettes souvenirs lancées dans le grand carillon pascal, bien d’autres dons plus munificents auront permis au Recteur des Iffs, M. l’abbé Louis Legros, de réaliser le rêve de son prédécesseur, M. l’abbé Julien Gallier, mort au pied de l’autel, un dimanche matin du début de l’année 1956, après avoir rêvé durant dix-sept ans de r ectorat dans une petite paroisse de 250 âmes, de donner de jeunes sœurs à l’unique et chevrotante cloche de son joli beffroi, la vieille « Marguerite » esseulée depuis la profanation commise en 1793, contre son infortunée sœur « Jeanne », sa compagne depuis leur commun baptême, le 31 janvier 1596.Rien n’apparaît plus désolé qu’un clocher sans cloche, comme un joli visage sans bouche, surtout quand ce clocher est le gracieux clocher à jour des Iffs. D’autant plus que l’église est un pur joyau gothique du XVème siècle, tout serti encore de l’or et de la pourpre de ses merveilleuses verrières riches et finement brodées comme de précieux brocarts.Mais est-il aussi geste plus émouvant que celui d’un prêtre n’ayant de cesse, ses propres projets et sa sécurité personnelle oubliés, avoir réalisé le rêve de son prédécesseur, comme un fils de la dernière ambition de son père.Il semble que la mort brutale du vieux pasteur, s’écroulant au pied de l’autel, à l’instant de quitter sa paroisse pour la retraite, ait aidé au miracle. Car il y a au moins prodige étonnant à ce que puisse se réaliser si promptement, un rêve qui parut impossible au long de près de vingt années.Dimanche 21 septembre 1958, à 15h30, S.E. le Cardinal Roques, archevêque de Rennes, bénira, dans leur robe de baptême :
« Julienne-Désirée », celle qui rappellera le souvenir du vieux recteur.
«Florence-Désirée » dont, par procuration, Melle Thébault-Sevin remplacera la jeune marraine, Florence Daguzan. Elle aura été donnée par cette famille simultanément aux offrandes des visiteurs de l’église.
« Jeanne-Thérèse », offerte par les familles des Iffs, remplacera « Jeanne », sœur de « Marguerite »
« Bernadette-Hélène ». Elle est la plus légère, mais peut-être la plus lourde de sacrifices, la plus solidement fondue au creuset de la douleur, puisque généreusement donnée par une miraculée de Lourdes, Mlle Hélène GUIBERT, qui en sera la marraine.Les notes de ces cloches ont été choisies par M. l’abbé Legrand, maître de la chapelle de la Cathédrale : si bémol pour « Julienne-Désirée », ré bémol pour « Florence – Désirée », mi bémol pour « Jeanne-Thérèse », fa pour « Bernadette – Hélène ».Son but était d’harmoniser ces quatre cloches avec la vieille « Marguerite », qui depuis 1793, s’époumonait seule pour annoncer les naissances, mais aussi les deuils, les tocsins, les Te Deum. Les cloches ont été coulées par les Fonderies Paccard d’Annecy, l’électrification en sera assurée par la Maison Bodet.Il semble qu’une multitude de grâces et de sourires ait entouré cette quadruple naissance. Le mobilier de l’église est en voie de restauration, sous la direction de M. l’architecte Couasnon, tandis que M. Cornon, architecte en chef des monuments historiques, qui prépare d’importantes réparations pour l’ensemble de l’église, a déjà surveillé la restauration du clocher dûe à M.Régnault.
Quand après la bénédiction cardinalice, habitants des Iffs, bienfaiteurs et visiteurs viendront faire tinter les quatre nouvelles cloches, ce ne sera ni un glas discordant, ni une sorte de tocsin assourdissant, mais alors, alors seulement comme le joyeux et déjà céleste Nunc Dimittis du vieux prêtre, tombé en oblation, au pied de l’autel, le premier dimanche de l’année 1956.
Pour mémoire, lors de leur baptême, ces cloches avaient pour parrains et marraines :
Julienne-Désirée : Melle Anne CORNON / M Henri LECHAUX
Florence-Désirée : Mlle Florence DAGUZAN /
Jeanne-Thérèse : Mlle Alix de LA VILLEON / M Paul VETTIER
Bernadette- Hélène : Mlle Hélène GUIBERT / M Joseph MAILLARD, merci à lui de m’avoir permis d’accéder à ses « archives » !
Nathalie Gauron